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LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN AGE

publiés sous la direction de Mario Roques

A CHASTELAINE

DE

VERGI

POÈME DU Xm« SIÈCLE

ÉDITÉ PAK

GASTON RAYNAUD

TROISIÈME ÉDITION REVUE PAR

LUCIEN FOULET

PARIS IBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUI^

5, QUAI MALAQUAIS (VD I92I

LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN AGE

COLLECTION DK TEXTES FRANÇAIS ET PROVENÇAUX ANTÉRIEURS A 1500 FONDÉE EN 1910 PAR MaRIO ROQUES

1**. La Chastelaine de Vergi, éd. par Gaston Raynaud, 3* éd. revue par Lucien Foulet ; viii-36 pages

2**. François Villon, Œuvres, éd. par Auguste Longnon, 3' éd. revue par Lucien Foulet ; xin-136 p.

3*. Courtois d'Arras, jeu du xiii' siècle, 2' éd. revue par Edmond Faral, 2^ éd. revue ; vii-37 pages . .

4*'***. La Vie de saint Alexis, poème du xi* siècle, texte critique de Gaston Paris; vi-50 pages

5*. Le Garçon et l'Aveugle, jeu du xiii* siècle, 2* éd. revue par Mario Roques ; vii-18 pages

6*. Adam le Bossu, Le Jeu de la Feuillée, 2* éd. revue par Ernest Langlois ; xxii-82 pages

7. Les Chansons de Colin Muset, éd. par Joseph Bédier, avec la transcription des mélodies par Jean Beck En réimpr.

8**. Huon le Roi, Le Vair Palefroi, avec deux versions de LA Mâle Honte par Huon de Cambray et par Guil- laume, fabliaux du xiii'' siècle, 3' éd. revue par Artur Langsfors ; xvii-48 pages

9'*. Les Chansons de Guilaume IX, duc d'Aquitaine (1071- 1127), 2'- éd. revue par Alfred Jeanroy; xxi- 48 pages

10. Philippe de Novare, Mémoires (1218-1243), éd. par Charles Kohler ; xxvi-173 p., avec 2 cartes

11*. Les Poésies de Peire Vidal, 2' éd. revue par Joseph Anglade ; xii-191 pages

12**. Béroul, Le Roman de Tristan, poème du xri' siècle, 3' éd. revue par Ernest Muret ; xv-164 pages

13"*. Huon le Roi de Cambrai, CEuvres, t. I, 2' éd. revue par Artur Langfors ; xvii-48 pages

14**. Gormont et Isembart, fragment de chanson de geste du XII* siècle, 3* éd. revue par Alphonse Bayot ; xiv-71 pages

15*. Les Chansons de Jaufré Rudel, éd. revue par Alfred Jeanroy, •viii-37 pages

16. Bibliographie sommaire des Chansonniers Proven-

çaux, par Alfred Jeanroy ; viii-89 pages. . . .

17. Bertran de Marseille, La Vie de sainte Enimie, éd.

par Clovis Brunel ; xv-78 pages

18. Bibliographie sommaire des Chansonniers Fraîiçais

DU MOYEN AGE, par Alfred Jeanroy ; viii- 79 pages

19*. La Chanson d'Aspremont, chanson de geste du xii» siècle, texte du manuscrit de Wollaton Hall, 2* éd. revue par L. Brandin, t. I, vv. 1-6156 ; xii-208 pages

20. Gauthier d'aupais, poème courtois du xiii* siècle, éd. par Edmond Faral ; x-32 pages

21**. Petite syntaxe de l'ancien français, par Lucien Poulet, éd. revue; viii-304 pages......

LES CLASSIQUES FRANÇAIS DU MOYEN AGE

publiés sous la direction de Mario roques

LA CHASTELAINE

DE

VERGI

POÈME DU XIII'' SIÈCLE

ÉDITÉ PAR

GASTON RAYNAUD

TROISIÈMH ÉDITION REVUE PAR

LUCIEN FOULET

PARIS

LIBRAIRIE ANCIENNE HONORÉ CHAMPION, ÉDITEUR

5, QUAI MAI.AQUAIS (vi') I92I

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in 2010 witii funding from

University of Britisii Columbia Library

littp://www.arcliive.org/details/lacliastelainedeOOrayn

INTRODUCTION

La Chastelaine de Vergi es: un des poèmes d'amour les plus gra- cieux, malgré son dénouement tragique, que nous ait laissés le moyen âge. Œuvre d'un auteur inconnu du xiiie siècle, composé en tout cas avant 1288 (date de la rédaction, du ms. A), ce roman a joui dès son apparition d'une vogue qu'il a longtemps conservée. Nous trouvons la preuve de cette célébrité dans les nombreux manuscrits (18 à notre connaissance) qui nous l'ont transmis, dans les fréquentes allusions qu'y font les écrivains des xjve et xve siècles et dans les imitations plus ou moins fidèles qu'en présentent les littératures française, italienne, néerlandaise, anglaise et allemande; les plus connues sont celle de Marguerite d'Angoulème dans son Heptaméron (Vlk )., 70« n.) et celle de Bandello dans ses Novelle (IV, vi).

Au xvme siècle, la châtelaine de Vergi devient un personnage à la mode ; bientôt, sous le nom inventé de Gabrielle de Vergi, et par suite d'une erreur due sans doute à la présence dans notre poème (v. 295-302) d'une strophe du châtelain de Couci (I, m ; éd. Fath, Heidelberg, 1885, p. 37), elle se substitue à la dame de Fayel, la maîtresse de Couci dans V Histoire du châtelain de Couci et de la dame de Fayel de Jaques Saquet. C'est revêtue de cette nouvelle person- nalité qu'elle fournit matière à des romances et à des tragédies qui ne sont pas encore tout à fait oubliées.

On a vu dans les héros de notre roman des personnages histo- riques de la cour de Bourgogne (Romania, XXI, 15 1-4), mais nous avons affaire plus probablement à une œuvre de pure imagination ;ii

«

IV INTRODUCTION

n'est pas impossible que, comme l'a suggéré M . Ahlstrôm (Studier i den fortifratiska lais-litteraturen, Upsala, 1892, p. 69-71), l'auteur "nit simplement repriset développé, d'une façon du restetrès originale, le thème bien connu que mettaient en oeuvre les lais de Lanval, de Gningamortx. de Gracient. Nous retrouvons dans la Chastelaine d'une part la dame qui met comme condition à l'amour qu'elle accorde à un chevalier la promesse d'un secret absolu, -et d'autre part la femme du suzerain qui, repoussée dans les avances qu'elle fait au même chevalier, accuse le vassal auprès de son mari d'avoir voulu la séduire. Seulement ici, sans parler d'autres différences, le surnaturel ne joue aucun rôle et le dénouement est tragique.

Imitée d'abord par Legrand d'Aussy (Ft^W/aMj: e/ con/«, 1779), la Chastelaine de Ver^i a été imprimée pour la première fois par Méon (Fabliaux et contes, Faris, 1808 ; IV, 296-326) d'après trois manus- crits de la Bibliothèque nationale {A, C, H) ; G. Raynaud en a donné dans la Romania (XXI, 1892, 165-93), d'après huit manuscrits, une seconde édition que M. Louis Brandin a reproduite à peu de chose près à la suite de la traduction anglaise de M™* Alice Kemp-Welch (Londres, Nutt, 1905 ; New Médiéval Library, t. III, 1907).

Le texte de la présente édition est celui de la Romania revu et amélioré en quelques endroits. Il est établi à l'aide des dix manus- crits des xiite et xiv^ siècles qui nous ont été accessibles :

A = Paris, Bibl. nat. fr. 375 (anc. 6987), 1288 (cf. Paulin Paris, Les m ss. français de la Bibl. dti. roi, III, 193 et G. Paris, Mélanges de litt. franc, du moyen âge, 329 et n. 3), fol. 531 i'Oà333t«.

B = Berlin, Bibl. royale, Hamilton 257, fin du xili« s., fol. 37 c à 42 b.

C =z Paris, Bibl. nat. fr. 837 (anc. 7218), fin du xiiie s., fol. 6 b il II a.

D z= Paris, Bibl. nat. fr. 1555 (anc. 75950» ^i'^'' s., fol. 82 x'" à 96 1»°.

E = Paris, Bibl. nat. fr. 2156 (anc. 7973), xive s., fol. 139 r" à 1 52 v°.

F r= Paris, Bibl. nat. nouv. acq. fr. 4531, commencement du Mve S., fol. 88 i à 94 (i.

INTRODUCTION V

G = Paris, Bibl. nat. Moreau 1719 (copie du xviiie s. d'un ms. de la fin du xiii= s. ou du commencement du xiv^ s., aujourd'hui perdu, aj'ant appartenu au marquis de La Clayette), fol. 221 à 250.

//= Paris, Bibl. nat.fr. 25545 (anc. Notre-Dame 274 bis),\iu^s., fol. 84 a à 89 c.

/ rr Bruxelles, Bibl. royale 9575, xiiies., fol. 138 c à 144 a.

K = Rennes, Bibl. nfiunic. 243, second tiers du xiv« s., fol., 121 a à 126 i! '.

Ces manuscrits n'étan: pas susceptibles d'un classement rigoureux, nous avons nous contenter de reproduire l'un d'eux, le ms. C, que nous avons, à l'occasion, corrigé et amélioré par la cornparaison avec les autres.

Nous n'avons pas utilisé les manuscrits des xv<: et xvi^ siècles qui présentent souvent une rédaction trop remaniée et rajeunie poui qu'il y ait profit à s'en servir ; en voici la liste :

Paris, Bibl. nat. fr. 780 (anc. 71883), fin du xv^ s., fol. 97 à

I lOt'O.

Paris, Bibl. nat. fr. 2236 (anc. 801 1'), xv« s., fol. 71 ro à 92 ro.

Paris, Bibl. nat. fr. 15219 (anc. suppl. fr. 738), xvie s., fol. 77 ro à 93 r°.

Valenciennes, Bibl. munie, ms. 398, xv^ s., fol. 83 ro à 99 .

Genève, Bibl. publique, ms. 179 bis, xv* s., fol. 14 à 31 .

Hambourg, Bibl. de la ville, ms. sans no, milieu du xv* s., pages 161 à 191 .

Oxford, Bibl. Bodléienne, ms. 445 (anc. F. 3.. 19), milieu ou fin du xve s., fol. 142 ro à 158.

Les variantes de huit nis. A-H ont été imprimées au bas du texte dans l'édition de 1892 ; nous reproduisons à la suite de notre texte, en y ajoutant les leçons de K, seulement celles qui portent sur les passages obscurs ou difficiles, mais nous donnons toutes les leçons

I. M. Paul Meyer a noté que les sept derniers feuillets d'un ms. du Roman de la Rose (début du xiv* s.) qui appartient aujourd'hui à M. J. H. Gur- uey, de Keswick Hall, près de Norwich, et a fait autrefois partie de la col- lection du Rév. Cox Macro (né en 1685), sont occupés par une copie de la Chaitelaine de Vergy. Nous devons la communication de cette note à M. Arthur LSngfors. Sur la collection Macro, voir Romanin, XXXIV, 278,

VI INTRODUCTION

de C que nous n'avons pas conservées, et nous indiquons toujours alors, sauf quand il s'agit de la correction d'une simple graphie ou d'un lapsus évident, la provenance du texte adopté.

Sur îa Chaslelaine de Vergi l'on pourra consulter, outre l'introduc- tion à l'édition de 1892 : l'introduction de M . Brandin à la traduction deMmeKemp-Welch, sont indiquées des représentations sur ivoire de scènes empruntées à notre poème (avec reproductions photogra- phiques ; voir une autre reproduction dans Suchier, GeschichU der Franiôsischm Litteratur, p. 207); Ch.-V. Langlois, La Société fran- çaise au Xllh siècle d'après dix romans d'ai/enture, 2* éd., Paris, 1904, p. 222-33 ; E. Lorenz, Die Kastellanin von Vergi in d. Lit. Frankreichs, Ital., der Niederl., Engl. u Deutschl., mit einer deul- schen Ûbersetiung der altfr. Versnovellt und eïneni Anhange : Die « Kastellan v. Couci » Sage als « Gabrielle de Vergi » Légende, Halle, 1909; W. Sôderhjelm, La Nouvelle française an XV' siècle, Paris, 19 10, p. 6; La Chastelaitu de Vergi, poème du xiii* siècle, avec une version en français moderne par André Mary et des gravures sur bois par Roubille, Paris, 1920 (reproduit le texte de notre deuxième édition, accompagné d*une traduction délicate et fidèle).

AVERTISSEMENT DE LA DEUXIÈME ÉDITION (1912)

Nous avons, pour cette deuxième édition, mis à profit les diffé- rents comptes rendus qui ont paru de la première : Zts^fûr fram^, Spracheu. Lit., 191 1, 2= partie, 11-18 (Acher), Revue critique, 191 1, 148-9 (Jeanroy) et 509-10 (Bourciez), NeuphilologiscJx Mitteiluu- gen, 191 1, 34-6 (Lângfors), Romanic Review, 191 1, 2i4-i5(Sheldon), Modem Language Notes, 191 2, 60 (Poulet). Le ms. C a été colla- tionné à nouveau, ce qui a permis de rectifier quelques menues erreurs. On a cru bon de revenir au texte de C dans plusieurs passages

INTRODUCTION VIT

les éditions précédentes s'en étaient écartées. Les passages essen- tiels de ADEFG et H ont été revus sur les originaux. M. Philipot a bien voulu relever pour nous les variantes principales d'un nou- veau ms., celui de Rennes {K). Dans l'introduction nous avons précisé quelques indications trop brèves ; pour expliquer l'origine du poème, nous avons cru devoir renoncer au rapprochement historique que faisait M. Raynaud, et nous proposons une autre hypothèse qui nous semble mériter d'être, à son tour, prise en considération. Pour les variantes, nous en avons supprimé quelques-unes et ajouté d'autres : nous avons indiqué plus haut le principe qui nous a guidé ; à l'occasion nous discutons ou justifions une leçon adoptée. Enfin nous avons quelque peu élargi le cadre du glossaire, et nous y avons fait entrer les quelques noms propres que nous offre notre poème.

AVERTISSEMENT DE LA TROISIÈME ÉDITION (1921)

II a paru deux comptes rendus de la deuxième édition : Archiv fur das Studium der neueren Sprachen, cxxix, 1912, 279 (Morf), Romanic Review, VI, 191 5, 112 (Weeks) : nous les avons misa profit. Le ms. Ca été collationné une fois de plus. On a cherché à se rapprocher encore davantage ici du texte de ce ms. On est revenu pour le v. 373 à la leçon qu'il fournit d'accord avec la plu- part des mss. et qui avait été écartée dans l'édition précédente. Quelques fautes d'impression ont été corrigées. La liste des variantes a été revue, et rectifiée à l'occasion; on a ajouté an certain nombre de notes portant sur le texte ou l'interprétation des passages les plus difficiles ou de ceux qui présentaient une particularité intéressante. On a fait entrer quelques mots de plus dans le glossaire .

Outre de menues corrections qui tendent à une reproduction plus exacte ou plus systématique de la graphie de C, le texte de la pré- sente édition diffère de celui de la précédente aux vers suivants (nous plaçons, en italiques, entre parenthèses la leçon qui a été rejetée) :

26 que ilavroit (qu'il i av.) 247 ne la tenisse (ne le t.) 275 que o sa damt et s'amie a (qu'a sa d. et a s'am. a) 329 quar s'il

VIII INTRODUCTION

estoit {et il estoit) 373 assambleront (assamblerent) 456 que le recort (que uns r.) 437 ne nus ne l'entende ne n'oie (ne ne h die ne ne Voie) 454 nuis (nuit).

544 por nule aventure (par mile a.) 579 qui moi monstrez (qui me m.) 592 de ce que or savez vous bien (de ce que oie save^ b.) 625 aine n'oïstes (qiiains n'o.) 657 tant m'afi (t. me Jî) 917 de maintenant (tout m.) 943 Templier (Templiers) 944 trestout cest encombrier (trestous cil^ encomhrkrs) 945 cest meschief (cii . meschiès).

On peut noter ici que le ms. C a toujours mit' nous lisons moût, et diex nous lisons dieus. Il a de même miex, iex, itiex aux V. 307-8, 326, 388, 475-6, 564, 574, 774, 805-6. Le ms. C réserve toujours la graphie se pour la conjonction conditionnelle : l'adverbe dérivé de sic apparaît parfois sous la forme se, le plus sou- vent sous la forme si : nous avons régularisé et adopté partout la graphie si pour l'adverbe, mais nous avons inséré aux variantes les leçons rejetées. Que l'auteur du poème ait très bien fait la distinc- tion entre les deux particules, c'est ce que montre le traitement dif- férent auquel il les soumet devant une voyelle : eu pareil cas se con- jonction s'élide(i6 cas, une seule exception ausensde^iinterrogatif, 364), 5/ adverbe ne s'élide pas (11 cas, une seule exception 195). Pour le régime du pronom relatif nous avons préféré cui à qui, sans vouloir affirmer que cette distinction soit encore maintenue ou sen- tie à l'époque de la Chastelaine de Vergi : du reste ici aussi nous avons porté aux variant* s 'es. formes discordantes. Dans les quelques vers omis par C et que nous avons empruntés à d'autres mss., de très légères corrections de forme ont pour but de rendre la graphie plus uniforme dans l'ensemble du texte.

LA CHASTELAINE DE VERGl

Une manière de gent sont

qui d'estre loial sam..Iant font

et de si bien conseil celer

qu'il se covient en aus fier; 4

et quant vient qu'aucuns s'i descuevrç

tant qu'il sevent l'amor et l'uevre,

si l'espandent par le pais,

puis en font lor gas et lor ris. 8

Si avient que cil joie en pert

qui le conseil a descouvert,

quar, tant corn l'amor est plus grant,

sont plus mari li fin amant 12

quant li uns d'aus de l'autre croit

qu'il ait dit ce que celer doit ;

et sovent tel meschief en vient

que l'amor faillir en covient 16

a grant dolor et a vergoingne,

si comme il avint en Borgoingne

d'un chevalier preu et hardi

et de la dame de Vergi 20

que li chevaliers tant ama

que la dame li otria

par itel couvenant s'amor

qu'il seùst qu'a l'eure et au jor 24

que par lui seroit descouverte

Chasl. de Vergi, i

LA CHASTELAINE DE VERGI .

lor amor, que il avroit perte

et de l'amor et de l'otroi

qu'ele li avoit fet de soi. j8

El a celé amor otroier

devisèrent qu'en un vergier

li chevaliers toz jors vendroit

au terme qu'ele li metroit, 52

ne ne se mouvroit d'un anglet

de si que un petit chienet

verroit par le vergier aler;

et lors venistrisanz demorer j6

en sa chambre, et si seùst bien

qu'a celé eure n'i avroit rien

fors la dame tant seulement.

Ainsi le firent longuement, 40

et fu lor amor si celée

que fors aus ne le sot riens née.

Li chevaliers fu biaus et ceintes,

et par sa valor fu acointes 44

du duc qui Borgoingne teiKiit ;

et sovent aloit et venoit

a la cort, et tant i ala

que la duchoise l'enama 48

et li fist tel samblant d'amors

que, s'il n'eùst le cuer ailiers,

bien se peûst apercevoir

par saiîïblant que l'amasi per voir. 52

Mes quel samblant qu'el en feïst,

li chevaliers samblant n'en fist

que poi ne grant s'aperceùsi

qu'ele vers lui amor eùst, s^

et tant qu'ele en ot grant anui,

V. 26-90 3

qu'ele parla un jor a lui

et mist a reson par moz teus :

« Sire, vous estes biaus et preus, - 60

ce dïent tuit, la Dieu merci :

si avriiez bien deservi

d'avoir amie en si haut leu

qu'en- eussiez honor et preu, 64

que bien vous serroit tele amie.

« Madame, fet il, je n'ai mie

encore a ce mise m'entente.

Par foi, dist ele, longue atente 68 vous porroit nuire, ce m'est vis :

si lo que vous soiez amis

en un haut leu, se vous veez

que vous i soiez bien amez. » 72

Cil respont : « Ma dame, par foi,

je ne sai mie bien por qoj

vous le dites ne que ce monte;

ne je ne sui ne duc ne conte 76

qui si hautement amer doie,

ne je n'en sui mie a deus doie

d'amer dame si souveraine,

se je bien i metoie paine. Ho

Si estes, fet el, se devient ; mainte plus grant merveille avient et autele avendra encore.

Dites moi se vous savez ore 84

se je vous ai m'amor donee,

qui sui haute dame honorée. »

Et cil respont isnel le pas :

« Ma dame, je ne le sai pas ; 88

mes je voudroie vostre amor

avoir par bien et par honor.

LA CHASTELAINE DE VERGI

Mes de celé amor Dieus me gart

qu'a moi n'a vous toit celé part 92

ou la honte mon seignorgise,

qu'a nul fuer ne a nule guise

n'enprendroie tel mesprison

comme de fere traïson 96

si vilaine et si desloial

vers mon droit seignor natural.

Fi ! fet cele qui fu marie,

dans musars, et qui vous en prie ? 100

Ha ! ma dame, por Dieu merci, bien le sai, mes tant vous en di. »

Cele ne tint a lui plus plait,

mes grant corouz et grant deshait 104

en ot au cuer, et si penssa,

s'ele puet, bien s'en vengera.

Si fu ele forment irie :

la nuit, quant ele fu couchie to*

jouste le duc, a souspirer

commença et puis a plorer.*

Et li dus errant li demande

que c'est qu'ele a, et li commande 112

qu'ele li die maintenant :

« Certes, dist ele, j'ai duel grant

de ce que ne set nus hauz hom

qui foi li porte ne qui non, 116

mes plus de bien et d'onor font

a ceus qui lor trahitor sont,

et si ne s'en aperçoit nus.

Par foi, dame, fet soi li dus,

je ne sai por qoi vous le dites ; 120

mes de tel chose sui je quites,

V. 91-154 5

qu'a nul fuer je ne norriroie

trahitor, se je le savoie. 124

Haez donc, dist ele, celui

(sel nomma) qui ne fina hui

de moi proier au lonc du jor

que je li donaisse m'amor, 128

et me dist que moût a lonc tens

qu'il a esté en cest porpens :

onques mes ne le m'osa dire.

Et je me porpenssai, biaus sire, 132

tantost que je le vous diroie.

Et si puet estre chose vraie

qu'il ait pieça a ce penssé ;

de ce qu'il a aillors amé 156

noveleoïe n'en avon.

Si vous requier en guerredon

que vostre honor si i gardoiz

com vous savez que il est droiz. » 140

Li dus, a cui samble moût grief,

li dist : w J'en vendrai bien a chief,

et moût par tens, si com je cuit. »

A malaise fu celé nuit 144

li dus, n'onques dormir ne pot

por le chevalier qu'il amot,

qu'il croit que il eùst mesfait

par droit que s'amor perdue ait, 148

et por ce toute nuit veilla.

L'endemain par matin leva,

et fist celui a soi venir

que sa famé li fet haïr 152

sanz ce que de rien ait mespris.

Maintenant l'a a reson mis

LA CHASTELAINE DE VERGI

seul a seul, ne furent qu'aus deus :

« Certes, dist il, ce est granz deus 156

quant proèsce avez et beauté,

et il n'a en vous lëauté !

Si m'en avez moût deceù,

que j'ai moût longuement creù 160

que vous fussiez de bone foi

loiaus a tout le mains vers moi,

que j'ai vers vous amor eue.

Si ne sai dont vous est venue 164

tel penssee et si trahitresse

que proie avez la duchesse

et requise de druërie ;

si avez fet grant tricherie, 168

que plus vilaine n'estuet querre.

Issiez errant hors de ma terre I

quar je vous en congié sanz doute

et la vous et desfent toute : 172

si n'i entrez ne tant ne quant,

que, se je des ore en avant

vous i pooie fere prendre,

sachiez, je vous feroie pendre. » 176

Quant li chevaliers ce entent,

d'ire et de mautalent esprent

si que tuit li tramblent si membre,

que de s'amie li remembre " i8o

dont il set qu'il ne puet joïr

se n'est par aler et venir

et par reperier ou païs

dont li dus veut qu'il soit eschis ; 184

et d'autre part li fet moût mal

ce qu'a trahitôr desloial

le tient ses sires et a tort;

V. 155-220 7

si est en si grant desconfort 188

qu'a mort se tient et a trahi.

« Sire, fet il, por Dieu merci,

ne créez ja ne ne*penssez

que je fusse ônques si osez : 192

ce que me metez a tort seure

je ne penssai'ne jor ne eure;

s'a mal fet qui le vous a dit.

Ne vous vaut riens li escondit, 196 fet li dus, ne point n'en i a :

celé meïsme conté m'a

en quel manière et en quel guise

vous l'avez proie et requise, 200

comme trahitres envious ;

et tel chose déistes vous,

puet estre, dont ele se test.

Ma dame a dit ce que li plest, 204 fet cil qui moût estoit mariz.

Ne vous vaut riens li escondiz.

Rien ne m'i vaut que j'en deïsse,

si n'est riens que je n'en feïsse 208

par si que j'en fusse çreù, quar de ce n'i a riens eu.

Si a, ce dist li dus, par m'ame, »

a cui il sovient de sa famé, 212

car bien cuidoit por voir savoir

que sa famé li deïst voir,

c'oncques n'oï que on parlast

que cil en autre lieu amast. 216

Dont dist li dus au chevalier :

<< Se vous me volez afier

par vostre leal serement

que vous me direz vraiement 220

LA CHASTELAINE DE VERGî

ce que je vous demanderoie, par vostre dit certains seroie se vous avriiez fet ou non ce dont j'ai vers vous sQupeçon. » Cil qui tout covoite et désire a geter son seignor de l'ire qu'il a envers lui sanz déserte, et qui redoute tele perte comme de guerpir la contrée ou celé est qui plus li agrée, respont qu'il tout sanz contredit fera ce que li dus a dit, qu'il ne pensse ne ne regarde de ce dont li dus se prent garde, ne torment ne le lest pensser ce que li dus veut demander, de riens fors de celé proiere : le serement en tel manière l'en fist, li dus la foi en prist ; et li dus maintenant li dist : « Sachiez par fine vérité que ce que je vous ai amé ça en arrière de fin cuer ne me lesse croire a nul fuer de vous tel mesfet ne tel honle comme la duchoise me conte; ne tant ne la tenisse a voire, se ce ne le me feïst croire et me meist en grant doutance que j'esgart vostre contenance et de cointise et d'autre rien, \ qoi l'en puet savoir moût bien que vous amez ou que ce soit ;

V. 221-286 9

et quant d'aillors ne s'aperçoit

nus qu'amez damoisele ou dame,

je me pens que ce soit ma famé, 256

qui me dist que vous la proiez.

Si ne puis estre desvoiez

por rien que nus m'en puisse fere,

que je croi qu'ainsi soit l'afere, 260

se vous ne me dites qu'aillors

amez en tel leu par amors

que m'en lessiez sanz nule doute

savoir en la vérité toute. 264

Et se ce fere ne volez,

comme parjurs vous en alez

hors de ma terre sanz deloi ! »

Cil ne set nul conseil de soi, 268

que le geu a parti si fort

que l'un et l'autre tient a mort;

quar, s'il dit la vérité pure,

qu'il dira s'il ne se parjure, 272

a mort se tient,' s'il mesfet tant

qu'il trespasse le couvenant

que o sa dame et s'amie a,

qu'il est seùrs qu'il la perdra 276

s'ele s'en puet apercevoir;

et s'il ne dit au duc le voir,

parjurés est et foimentie,

et pert le pais et s'amie; 280

mes du pais ne li chausist,

se s'amie li remainsist

que sor toute riens perdre crient.

Et por ce qu'adés li sovient 284

de la grant joie et du solaz

qu'il a eu entre ses braz,.

Chast. de Vergi. j

lO LA CHASTELAINE DE VERGI

si se pensse, s'il la messert

et s'il par son mesfet la pert, 288

quant o soi ne l'en puet mener,

comment porra sanz li durer.

Si est en tel point autressi

com li chastelains de Couci, 292

qui au cuer n'avoit s'amor non,

dist en un vers d'une chançon :

Par Dieu, Amors, fort m'est a consirrer

du dous solaz et de la compaingnie 296

et des samblanz que m'i soloit moustrer

celé qui m'ert et compaingne et amie :

et quant regart sa simple cortoisie

et les douz mos qu'a moi soloil parler, joo

comment me puet li cuers ou cors durer ?

Quant il n'en part, certes trop est mauves.

Li chevaliers en tele angoisse

ne set se le voir li corinoisse, 504

ou il mente ei lest le pais ;

et quant il est ainsi penssis

qu'il ne sÈt li quels li vaut mieus,

l'eve du cuer li vient aus ieus 508

por l'angoisse qu'il se porchace,

et li descent aval la face,

si qu'il en a le vis moillié.

Li dus n'en ot pas le cuer lié, 512

qui pensse qu'il i a tel chose

que reconnoistre ne li ose.

Lors dist li dus isnel le pas :

« Bien voi que ne vous fiez pas ?i6

en moi tant com vous devriiez.

V. 287-^)0 II

Guidiez vous, se me disiiez

vostre conseil celeenient,

que jel deisse a nule gent ? jk»

Je me leroie avant sanz faute

trere les denz l'un avant l'autre.

Ha ! fet cil, por Dieu merci, sire

je ne sai que je doie dire . $24

ne que je puisse devenir ; mes je voudroie mieus morir que perdre ce que je perdroie se le voir dit vous en avoie ; j2«

, quar s'il estoit de li seù que l'eusse reconneù a jor qui fust a mon vivant... ! » Lors dist li dus : Je vous créant ^32

seur le cors et l'ame de moi et sor l'amor et sor la foi que je vous doi sor vostre hommage, que ja en trestout mon eage î}6

n'en ert a créature née par moi novele racontée ne samblant fet grant ne petit. » Et cil en plorant li a dit : j4o

« Sire, jel vous dirai ainsi ; j'aim vostre nièce de Vergi, et ele moi, tant c'on puet plus.

Or me dites donc, fet li dus, 544 quant vous volez c'on vous encuevre,

savoit nus fors vous dui ceste oevre ? »

Et li chevaliers li respont :

(i Nenil, créature del mont. » J4«

Et dist li dus : « Ce n'avint onques :

comment i avenez vous donques,

12 LA CHASTELAINE DE VERGI

ne comment savez lieu ne tens ?

Par foi, sire, fet cil, par sens 552

que je vous dirai sanz riens tere,

quant tant savez de nostre afere. •<>

Lors li a toutes acontees

ses venues et ses alees, 356

et la couvenance première,

et du petit chien la manière.

Lors dist li dus : « Je vous requier

que a vostre terme premier 360

vueilliez que vostre compains soie

d'aler o vous en ceste voie,

quar je vueil savoir sans aloingne

se ainsi va vostre besoingne : 364

si n'en savra ma nièce rien,

Sire, fet il, je Totroi bien,

mes qu'il ne vous griet ne anuit,

et, sachiez bien, g'irai anuit. » 5^8

Et li dus dist qu'il i ira,

que ja ne li anuiera,

ainz li sera solaz et geu.

Entr'aus ont devisé le leu 372

ou assambleront tout a pié.

Si tost comme il fu anuitié,

que assez près d'iluec estoit

ou la nièce le duc manoit, 376

celé part tienent lor chemin

tant qu'il sont venu au jardin,

ou Ji dus ne fu pas grant pièce,

quant il vit le chienet sa nièce 380

qui s'en vint au bout du vergier

ou il trova le chevalier

V. 351-415 13

qui grant joie a fet au chienet

Tantost a la voie se met 384

li chevaliers et le duc lait,

et li dus après lui s'en vait

près de la chambre, et ne se muet ;

iluec s'esconsse au mieus qu'il puet ; 388

d'un arbre moût grant et moût large

s'estoit couvers com d'une targe

et moût entent a lui celer.

D'iluec vit en la chambre entrer 392

le chevalier, et vit issir

sa nièce et contre lui venir

hors de la chambre en un prael,

et vit et tel apel 396

comme ele li fist par solaz

de salut de bouche et de braz,

si test comme ele le choisi.

De la chambre vers lui sailli, 400

et de ses biaus braz l'acola

et plus de cent foiz le besa

ainz que feïst longue parole.

Et cil la rebese et acole, 404

et li dist : « Ma dame, m'am,ie,

m'amor, mon cuer, ma druërie,

m'esperance et tout quanques j'aim,

sachiez que j'ai eu grant faim 408

d'estre o vous, si comme ore i sui,

trestoz jors puis que je n'i fui. »

Ele redist : « Mon douz seignor,

mes douz amis, ma douce amor, 412

onques puis ne fu jor ne eure

que ne m'anuiast la demeure ;

mes ore de riens ne me dueil,

14 LA CHASTELAINE DE VERGI

quant j'ai o moi ce que je vueil, 416

quant ci estes sains et haitiez,

et li très bien venuz soiez ! »

Et cil dist : « Et vous bien trovee ! »

Tout 01 li dus a l'entrée, 420

qui meut près d'aus apoiez fu ;

sa nièce a lavoiz bien connu,

si bien, et a la contenance,

que il est or fors de doutance, 424

et si tient de ce la duchesse

que dit lit ot a menteresse;

et moût li plest : or voit il bien

que cil ne li a mesfet rien 42R

de ce que il l'a mescreû.

Ilueques s'est issi tenu

toute la nuit, endementiers

que la dame et li chevaliers 4j2

dedenz la chambre en un lit furent

et saiiz dormir ensamble jurent,

a tel joie et a tel déport

qu'il n'est resons que le recort, 456

ne nus ne l'entende ne n'oie

s'il n'atent a avoir tel joie

que Amors aus fins amanz done,

quant sa paine reguerredone. 440

Quar cil qui tel joie n'atent,

s'il l'ooit or, riens n'i entent,

puis qu'il n'a a Amors le cuer :

que nus ne savroit a nul fuer 444

combien vaut a tel joie avoir,

s' Amors ne li fesoit savoir.

Ne teus biens n'avicnt mie a toz,

que ce est joie sanz corouz 44S

V. 416-480 15

et solaz et envoiseûre ;

mes tant i a que petit dure,

c'est avis a l'amant qui l'a ;

ja tant longues ne durera, 452

tant li plest la vie qu'il maine,

que se nuis devenoit semaine

et semaine devenoit mois,

et mois uns anz, et uns anz trois, 456

et troi an vint, et vint an cent,

quant vendroit au definement,

si voudroit il qu'il anuitast

celé nuit, ainz qu'il ajornast. 460

Et en itel penssé estoit

icil que li dus atendoit ;

quar ainz jor aler l'en covint,

et s'amie o lui a l'uis vint, 464

La vit li dus au congié prendre

besier doner et besier rendre,

et forment souspirer

et au congié prendre plorer. 468

Iluec ot ploré mainte lerme,

et si prendre le terme

du rassambler iluec arrière.

Li chevaliers en tel manière 472

s'en part, et la dame l'uis clôt ;

mes tant comme veoir le pot,

le convoia a ses biaus ieus,

quant ele ne pot fere mieus. 476

Quant li dus vit clorre l'uisset,

tantost a la voie se met

tant que le chevalier ataint

qui a soi meïsme se plaint 480

l6 LA CHASTELAINE DE VERGI

de la nuit : si comme il a dit,

trop li avoit duré petit.

Et tel penssee et auteus diz

ot celé dont il ert partiz, 484

a cui il samble por la nuit

que failli ait a son déduit,

ne dujor ne se loe point.

Li chevaliers ert en tel point 488

et de penssee et de parole,

quant li dus l'ataint, si l'acole

et 11 a fet joie moût grant,

puis li a dit : « Je vous créant 492

que toz jors mes vous arriérai

ne ja mes jor ne vous harrai

quar vous m'avez de tout voir dit

et ne m'avez de mot mentit. 496

Sire, fet cil, vostre merci ! mes por Dieu vous requier et pri que cest conseil celer vous plaise,

qu'amor perdroie et joie et aise 500

et morroie sanz nule faute, se je Savoie que nul autre ice savroit fors vous sanz plus.

Or n'en parlez ja, fet li dus; 504 sachiez qu'il ert si bien celé

que ja par moi n'en ert parlé. »

Ainsi s'en sont parlant venu

la dont il estoient meû. son

Et cel jor, quant vint au mengier,

moustra li dus au chevalier

plus biau samblant qu'ainz n'avoit fait,

dont tel corouz et tel deshait 5"

V. 481-545 17

en ot la duchoise sanz fable

qu'ele se leva de la table

et a fet samblant par faintise

que maladie li soit prise : ji6

alee est couchier en son lit

ou ele ot petit de délit.-

Et li dus, quant il ot mengié

et lavé et bien festoie, 520

si l'est tantost alez veoir

et la fist sus son lit seoir,

et a commandé que nului

ne remaingne leenz fors lui : 524

l'en fet tantost ce qu'il commande;

et li dus errant li demande

comment cist maus li est venu

et que ce est qu'ele a eii. ^28

Ele respont : « Si Dieus me gart,

je ne m'en donoieregart

orains, quaat au mengier m'assis,

que greignor sens et plus d'avis 532

n'avez en vous que je n'i vi,

quant vous tenez plus chier celi

que je vous ai dit qui porchace

qu'il a moi honte et<iespit face; 5}6

et quant vi que plus biau samblant

li feïstes que de devant,

si grant duel et si grant ire oi

qu'ilueques demorer ne poi. 540

Ha ! fetli dus, ma douce amie.

sachiez, je n'en croiroie mie

ne vous ne autre créature

que onques por nule aventure 544

avenist ce que vous me dites

CbasI. de Vergi. 4

l8 LA CHASTELAINE DE VERGI

ainz sai bien qu'il en est toz quites, n'onques ne penssa de ce fere, tant ai apris de son afere : >4«

si ne m'en enquerez ja plus. »

Atant se part d'iluec li dus ;

et ele remest moût penssive,

qje ja mes jor que ele vive,. iS^

une eure a aise ne sera

devant que plus apris avra

de ce que li dus li desfent

qu'ele ne li demant noient ; 556

que ja ne l'en tendra desfensse,

quar en son cuer engin porpensse

qu'ele le porra bien savoir,

s'ele s'en sueftre jusqu'au soir 560

qu'ele ait le duc entre ses braz :

ele set bien qu'en tel solaz

en fera, ce ne doute point,

mieus son voloir qu'en autre point. 564

Por ce adonc atant se tint,*

et quant li dus couchier se vint,

a une part du lit s'est traite ;

samblant fet que point ne li haite ,68

que li dus o li gésir doie,

qu'ele set bien ce est la voie

de son mari mètre au desouz

par fere samblant de corouz. ^72

Por ce se tint en itel guise

que ele mieus le duc atise

a croire que moût soit irie ;

por ce sanz plus qu'il l'a besie 576

li dist ele : « Moût estes faus

V. 'y^6-6io 19

et trichieires et desloiaus,

qui moi moustrez samblant d'amor,

n'onques ne m'amastes nul jor ; j8o

et j'ai esté lonc tens si foie

que j'ai creû vostre parole,

que soventes foiz disiiez

que de cuer loial m'amiiez ; 584

mes hui m'en sui aperceûe

que j'en ai esté deceùe. »

Et li dus dist : o. Et vous, a qoi ?

Ja me déistes, par ma foi, ^8* fet celé qui a mal i bee,

que je ne fusse si osée

que je vous enqueisse rien

de ce que or savez vous bien ? $92

De qoi, suer, •savez vous, por ?

De ce que cil vous a conté, fet ele, mençonge et aryoire,

qu'il vous a fet pensser et croire. $96

Mes de ce savoir ne me chaut,

que j'ai penssé que petit vaut

a vous amer de cuer loial :

que c'onques fust ou bien ou mal, 600

mes cuers riens ne vit ne ne sot

que ne seûssiez ausi tost ;

et or voi que vous me celez,

vostre merci, les voz penssez. 604

Si sachiez ore sanz doutance

que ja mes n'avrai tel fiance

en vous, ne cuer de tel manière

com j'ai eu ça en arrière. » 608

Lors a commencié a plorer

la duchoise et a souspirer,

20 LA CHASTELAINE DE VERGI

et s'esforça plus qu'ele pot.

Et li dus tel pitié en ot 612

qu'il li â dit : « Ma bêle suer,

je ne soufFerroie a nul fuer

ne vostre corouz ne vostre ire ;

mes, sachiez, je ne puis pas dire 616

ce que volez que je vous die

sanz fere trop grant vilonie. »

Ele respont isnel le pas :

« Sire, si ne m'en dites pas, 620

quar "je voi bien a cel samblant

qu'en moi ne vous liez pas tant

que celaisse vostre conseil ;

et sachiez que moût me merveil : 624

aine n'oïstfes grant ne petit

conseil que vous m'eussiez dit,

dont descouvers fussiez par moi ;

et si vous di en bone foi, 628

ja en ma vie n'avendra. »

Quant ce ot dit, si replora ;

et li dus si l'acole et bese,

et est de son cuer a malese, 6^2

si que plus ne se pot tenir

de sa volenté descouvrir.

Puis si li a dit : « Bêle dame,

je ne sai que face, par m'ame, 636

que tant m'afi en vous et croi

que chose celer ne vous doi

que li miens cuers sache ne of;

mes, je vous pri, n'en parlez mot : 640

sachiez, et itant vous en di,

que, se je sui par vous trahi,

vous en receverez la mort. »

V. élI-676 21

Et ele dist : « Bien m'i acort ; 644

estre ne porroit que feïsse

chose dont vers vous mespreïsse. »

Cil qui l'aime por ce la croit

et cuide que veritez soit 648

de ce que li dist, puis li conte

de sa nièce trestout le conte,

comme apris l'ot du chevalier,

et comment il fu el vergier 652

en l'anglet ou il n'ot qu'eus deus,

quant li chienés s'en vint a eus ;

et de l'issue et de l'entrée

li a la vérité contée, 656

si qu'il ne li a riens teù

qu'il i ait 01 ne veii.

Et quant la duchoise l'entent

que cil aime plus bassement 660

qui de s'amor l'a escondite,

morte se tient et a despite ;

mes aine de ce samblant ne fist,

ainçois otroia et promist 664

au duc a si celer ceste oevre

que, se c'est qu'ele le descuevre,

que il la pende a une hart.

Et si li est il ja moût tart 668

d'à celi parler qu'ele het,

des icele eure qu'ele set

que ele est amie a celui

qui li fet et honte et anui 672

por itant, ce li est avis,

qu'il ne vout estre ses amis.

Si afferme tout son porpens

que, s'ele voit ne lieu ne tens 676

2 2 LA CHASTELAINE DE VERGI

qu'a la nièce le duc parolt

qu'ele îi dira ausi tost,

ne ja ne cèlera tel chose

ou félonie avra enclose. 680

Mes aine en point n'en lieu n'en vin

tant que la Pentecouste vint

qui après fu, a la première

que li dus tint cort moût pleniere, 684

si qu'il envoia par tout querre

toutes les dames de la terre,

et sa nièce tout premeraine

qui de Vergi ert chastelaine. 68K

Et quant la duchoise la vit,

tantost toz li sans lilfremist,

com celé del mont que plus het.

Mes son corage celer set : 692

si li a fet plus bel atret

c'onques devant ne li ot fet ;

mes moût ot grant talent de dire

ce dont ele ot au cuer grant ire, 696

et la demeure moût li couste.

Por ce, le jor de Pentecouste,

quant les tables furent ostees,

en a la duchoise menées 700

les dames en sa chambre o soi

por eles parer en reqoi

por venir cointes aus caroles.

Lors ne pot garder ses paroles 704

la duchoise qui vit son leu,

ainz distausi comme par geu :

« Chastelaine, soiez bien cointe,

quar bel et preu avez acointe. » 7°^

V. 677-740 23

Et celé respont simplement ;

« Je ne sai quel acointement

vous penssez, ma dame, por voir,

que talent n'ai d'ami avoir 712

qui ne soit del tout a l'onor

et de moi et de mon seignor.

Je l'otroi bien, dist la duchesse,

mes vous estes bone mestresse, 716

qui avez apris le mestier

du petit chienet afetier. »

Les dames ont le conte,

mes ne sevent a qoi ce monte ; 720

o la duchoise s'en revont

aus caroies que fêtes ont.

Et la chastelaine remaint :

li cuers li trouble d'ire et taint, 724

et li mue trestoz el ventre.

Dedenz une garderobe entre

ou une pucelete estoit

qui aus piez du lit se gisoit, 72»

mes ele ne la pot veoir.

El lit s'est lessie cheoir

la chastelaine moût dolente ;

iluec se plaint et se démente, 752

et dist : « Ha ! sire Dieus, merci !

que pu€t estre que j'ai oï,

que ma dame m'a fet regret

que j'ai afetié mon çhienet ? 7}^

Ce ne set ele par nului,

ce sai je bien, fors par celui

cuij'amoie et trahie m'a;

ne ce ne li deïst il ja ^ 74»

24 LA CHASTELAINE DE VERGl

s'a li n'eùst grant acointance,

et s'il ne l'amast sanz doutance

plus que moi cui il a trahie.

Bien voi que il ne m'aime mie, 744

quant il me faut de couvenant,

douz Dieus ! et je l'amoie tant

comme riens peùst autre amer,

qu'aillors ne pooie pensser 748

nis une eure ne jor ne nuit !

Quar c'ert ma joie et mon déduit,

c'ert mes delis, c'ert mes depors,

c'ert mes solaz, c'ert mes confors. 752

Comment a lui me contenoie

de pensser, quant je nel veoie !

Ha ! amis, dont est ce venu ?

Que poëz estre devenu, 7>6

qui vers moi avez esté faus ?

Je cuidois que plus loiaus

me fussiez, si Dieus me conseut,

que ne fu Tristans a Yseut ; 760

plus vous amoie la moitié,

si Dieus ait ja de moi pitié,

que ne fesoie moi meismes.

Onques avant ne puis ne primes 764

en penssé n'en dit ne en fet,

ne fis ne poi ne grant mesfet

par qoi me deûssiez haïr

ne si vilainement trahir 768

comme a noz amors depecier

por autre amer et moi lessier,

et descouvrir nostre conseil.

! lasse ! amis, moût me merveil, 772

que k miens cuers, si m'ait Dieus,

ne fu onques vers vous itieus,

quar, se tout le mont et neïs

tout son ciel et son paradis 776

me donast Dicus, pas nel preïsse

par couvenant que vous perdisse ;

quar vous estiiez ma richece

et ma santez et ma leece ; 780

ne riens grever ne me peùst

tant comme mes las cuers seûst

que li vostresde riens m'amast.

Ha ! fine amor! et qui penssast 784

que cist feïst vers moi desroi,

qui disoit, quant il ert o moi

et je faisoie mon pooir

de fere trestout son voloir, 788

qu'il ert toz miens et a sa dame

me tenoit et de cors et d'ame ?

et le disoit si doucement

que le creoie vraiement, 792

ne je ne penssaisse a nul fuer

qu'il peùst trover en son cuer

envers moi corouz ne haine

por duchoise ne por roïne ; 796

qu'a lui amer estoit si buen

qu'a mon cuerprenoie le suen.

De lui me penssoie autressi

qu'il se tenoit a mon ami 800

toute sa vie et son eage;

quar bien connois a mon corage,

s'avant morust, que tant l'amaisse

que après lui petit duraisse, 804

qu'estre morte o lui me fust mieus

que vivre si que de mes ieus

Chast. dt Vergi. <;

26 LA CHASTELAINE DE VERGI

ne le veïsse nule foiz.

Ha ! fine amor ! est ce donc droiz «08

que il a ainsi descouvert

nostre conseil ? dont il me pert,

qu'a m'anior otroier li dis

et bien en couvenant li mis 8ia

que a celé eure me perdroit

que nostre amor descouvreroit.

Et quant j'ai avant perdu lui,

ne puis, après itel anui. 816

vivre sanz lui por cui me dueil

ne je ne quierne je ne vueil ;

ne ma vie ne me plest point,

ainz pri Dieu que la mort me doinst, 820

et que, tout ausi vraiement

com je ai aimé lëaument

celui qui ce m'a porchacié,

ait de l'ame de moi pitié, 824

et a celui qui a son tort

m'a trahie et livrée a mort

doinst honor, et je li pardon.

Ne ma mort n'est se douce non, 838

ce m'est avis, quant de lui vient ;

et quant de s'amor me sovient,

por lui morir ne m'est pas paine. »

Atant se tut la chastelaine 832

fors qu'ele dist en souspirant :

« Douz amis, a Dieu vous commant! »

A cest mot de ses braz s'estraint,

li cuers li faut, li vis li taint : 856

angoisseusement s'est pasmee,

et gist pale et descoloree

en mi le lit, .morte sanz vie.

V. 807-871 27

Mes ses amis ne le set mie 840

qui se deduisoit en la sale

a la carole et dansse et baie ;

mes ne li plest riens qu'il i voie,

quant celé a cui son cuer s'otroie .S44

n'i voit point, dont moût se merveille ;

si a dit au duc en l'oreille :

« Sire, qu'est ce que vostre nièce

est demoree si grant pièce 848

que n'est aus caroles venue?

Ne sai se l'avez mise en mue. »

Et li dus la carole esgarde,

qui de ce ne s'estoit pris garde : 852

celui a soi par la main trait,

et droit en la chambre s'en vait ;

et quant ilueques ne la trueve,

au chevalier commande et rueve 8s6

qu'en la garderobe la quiere,

quar il le veut en tel manière,

por leenz entr'eus solacier

com d'acoler et de besier. 860

Et cil qui li en sot hauz grez

est en la garderoW entrez

ou s'amie gisoit eaverse

el lit, descoloree et perse. 864

Cil maintenant l'acole et baise,

qui bien en ot et lieu et aise ;

mes la bouche a trovee froide

et partout bien pale et bien roide, 868

et au samblanl que li cors moustre

voit bien qu'ele est morte tout outre.

Tantost toz esbahiz s'escrie :

28 LA CHASTELAINE DE VERGI

« Qu'est ce ? las ! est morte m'amie «72

Et la pucelc sailli sus

qui aus piez du lit gisoit jus,

et dist : « Sire, ce croi je bien

qu'ele soit morte, qu'autre rien 876

ne demanda puis que vint ci,

por le corouz de son ami

dont ma dame l'ataïna

et d'un chienet la ramposna, 880

dont li corouz li vint morteus, »

Et quant cil entent les mos teus,

que ce qu'il dist au duc l'a morte,

sanz mesure se desconforte : 884

« Ha! las! dist il, ma douce amor,

la plus cortoise et la meillor

c'onques fust et la plus loial,

comme trichierres desloial 888

vous ai morte ! Si fust droiture

que sor moi tornast l'aventure,

si que vous n'en eussiez mal ;

mes cuer aviiez si loial " 892

que sor vous l'avez avant prise.

Mes je ferai de moi justise

por ia trahison"'que j'ai fête. »

Une espee du fuerre a trete 896

qui ert pendue a un espuer,

et s'en feri par rai le cuer :

cheoir se lest sor l'autre cors ;

tant a sainié que il est mors. 900

Et la pucele est hors saillie, quant ele vit les cors sanz vie : hidor ot de ce qu'ele vit.

V. 872-936 29

Au duc qu'ele encontra a dit 964

ce qu'ele a et veù

si qu'ele n'i a riens teù,

comment l'afere ert commencié,

neïs du chienet afetié 908

dont la duchoise avoit parlé.

Ez vous le duc adonc dervé :

lout maintenant en la chambre entre,

au chevalier trest fors du ventre 912

l'espee dont s'estoit ocis.

Tantost s'est a la voie mis

grant oirre droit a la carole,

sanz plus tenir longue parole, 9«6

de maintenant a duchesse ;

si li a rendu sa promesse,

que el chief li a embatue

l'espee que il tenoie nue, 920

sanz parler, tant estoit iriez.

La duchoise chiet a ses piez,

voiant toz ceus de la contrée,

dont fu la feste moût troublée 924

des chevaliers qui la estoient,

qui grant joie menée avoient.

Et li dus trestout ausi tost,

oiant toz, qui oïr le vost, 928

dist tout l'afere en mi la cort.

Lors n'i a celui qui n'en plort,

et nommeement quant il voient

les deus amanz qui mort estoient, 932

et la duchoise d'autre part ;

a duel et a corouz départ

la cort et a meschief vilain.

Li dus enterrer l'endemain 916

30 LA CHASTELAINE DE VERGI

tist les amanz en un sarqueu,

et la duchoise en autre leu.

Mes de Taventure ot tel ire

c'onques puis ne l'oï on rire ; 940

errant se croisa d'outre mer,

ou il ala sanz retorncr,

si devint ilueques Templier.

Ha ! Dieus ! trestout cest encombrier 944

et cest meschief por ce avint

qu'au chevalier tant mesavint

qu'il dist ce que celer devoit

et que desfendu li avoit 948

s'amie qu'il ne le deïst,

tant com s'amor avoir vousist.

Et par cest example doit l'en

s'amor celer par si grant sen 952

c'on ait toz jors en remembrance

que li descouvrirs riens n'avance

et li celers en toz poins vaut.

Qui si le fet, ne crient assaut 95^

des faus félons enquereors

qui enquierent autrui amors.

EXPLICIT LA CmASTELAINE DE VeRGI.

VARIANTES ET NOTES

Les leçonsnon suivies de l'indication d'un nts. sont les variantes de C que nous avons rejetées.

ï6 covint 21 que uns 26 qu'il averoit 32 que li mete- roiî ; texte de H 53 ne se mouveroit; texte de H 41 l'a. douce et senee ; texte de H S 5 C lit samblant q leo feist que Von pour- rait interpréter également bien que l'en feist. Mais, si V auteur préfère la forme ele {4^ cas), il connaît aussi la graphie t\qui est assurée devant une consonne au v.8i : on peut donc ici aussi' admettre el. 56 que il vers li / qu'ele est la leçon ordinaire des mss., c'est en particulier celle de A ; li dans C est un féminin qui suppose que le sujet de la phrase est il ; il faut donc corriger en lui, car ce ms. distingue toujours les deux formes du pron. pers. 62 avériez 91 mais Dieu de tele am. D ; mes d'autre am. Jhesus £; e Dex de celé am. F ; mes diex de celé am. G ; de tele am. H 92 tourne tel p. D ; qu'amors ne nous tourt E ;qu'a moy ne vous tort F ; que ja nul jor tour H ; tourt K. Il faut détacher a moi n'a vous de tort et comprendre : a de votre côté et du mien y> ; H a cherché à rendre plus clair. 96 com de f. tel des- reson ; comme de f. desraison A ; texte de BEFGHK 99 Ha ; texte de AEFH.

173 se n'i 182 veïr 184 vout qu'il fust ; texte de AEFHK 194 ne ne p.

206 E comme C {sauj que C répète le mot riens) ; ne vous i vaut 1. e. A ; rien ne me vauli 1. e. D ; si ne m'i vaut riens e. BDFG ; si ne me vaut riens e. K ; ne m'i vaut riens 1. e. H 207-8 Les derniers mots de chacun de ces vers sont presque effacés 2 11- 16 manquent dans C, 215-6 dans D ; tous les autres mss. ont le passage ; texte de H 218 le volez fiancier ; texte de AF (F voulez affier) 220 leaument ; texte de ADEK 228 celé p . Tele est fourni en par- ticulier par H. Du reste celé est aussi la leçon de A et on peut se deman- der si ce nest pas la leçon originale : car il est à noter qu'en dehors du

32 . LA CHA5TELAINE DE VERGI

V. 228 nous avons ry cas de tel féminin devant consonne ou h, et nous trouvons toujours tel cl jamais tele ; il y a 4 cas de tele féminin, mais toujours devant voyelle. 245 que vous 247 ne le HK 275 qu'a sa d. et a s'am. ADEFGK.

31^ te vous me disiez 350 aveniez ; texte de H 35 3 r- f*^re 375 assemblèrent E 374 il en F 393 et ainssy yssir D 394 et sa niepce c.D ; sa n. encontre lui v. A' 395 trestoute seule E ; encontre li FK 396 la vit D : ce! ap. CF.. Les autres mss. ont xt\ et Tums adoptons leur leçon ; mais voir 'la note sur le v. 228. 397 conraent D ; que elle li E ; pour s> G 398 desqua lus B ; et de bouche G' ; de cuer de b. K 399 que si t. G ; ele la K 399-400 manquent dans E et H 400 molt tost s. .-if.

401 car de ses H ; et de ses bras si l'ac. K 401-2 manquent dans E 402 plus de vint fois// ; dis fois la b. /f 403 face D ; moût doucement a lui p. E ; ains qu'il fesist 1. p. K 403-4 manquent dans F 404 et puis E ; le chevalier la baise et ac . D ; cil le rebaise et ac. K. Tout le passc^e depuis 392 est un peu confus à première lecture. M. Brandin corrige le chevalier du v. jçj en\t chie- net et supprime, avec E et H, les v. ^pp-400 ; le sens en devient certai- nement plus net. Mais, dans ce cas, ce n'est que par un véritable effort qu'on peut rattacher les pronoms lui, li, le, des v. ^^4, ^97, 401, 402 au chevalier qui n'a pas été mentionné depuis le v. jSj ; et d'autre pai-i on ne peut guère introduire chienet dans le v. jpj qu'en en bannissant vit (M. Brandin imprime : le chienet et ainssy issh-), mais le mot vit est trois fois répété aux v. ^92, ^9^ et j^6 et il y a sans doute un parallélisme voulu. Il parait plus sage de conserver le texte des mss. et d'admettre que, si l'auteur a voulu nous mettre sous les yeux les différents moments d'un même tableau, il ne s'est pas spécialement préoccupé d'ob- server um suite chronologiqiw. : « Il vit entrer le chevalier... et il vit aussisorlir sanicce..:» Ily a aux v. 46;-4ji un procédé pareil, quoique moins visible. Voir aussi le v. 6^S- 426 qui ; texte de AH 436 qu'il n'est resons que nus recort C ; que par raison ne par r. D; que n'est resou que le recort F 437 ne ne la die ne l'oie C ; en cent ant dire ne le pourroie D ; ne nus ne l'entende ne oie F. Nous adoptons pour le 2<^ hémistiche de 4^6 et pour 4)-j le texte de F qui seul donne un sens raisonnable et plein ; « Il n'est pas raison qiu moi je le rap-

VARIANTES ET NOTES 33

porte ou que nul V eiUeude ,.. s' il n'attend . . . » Entende et oie pourraient être itu de ces redoublements connue il y en a souvent dans la langue du moyen âge, mais il est plus probable qu'il y a déjà au v. 4}j Vopposition dcveloppée au v. 442 s'il l'ooit or, riens n'i entent. 438 quin'atent avoir D ; s'il n'en atent avoir AB ; se il n'atant avoir H 459 a f. am. A; comme (corne, corn) am. af". BFGH 440 quant lorp. lor g. FHK ; li g. AEG 452 lugues 483 autel diz.

517-8 manquent dans C et dans A ; moût poi de délit EF ; petit délit H ; texte de K 529 Se D. 5 30 ne me d. DFH ; prenoie K 531 ore (ores) ABDEGHK ; mengier assis AFG 532 que plusde sens et p. K ; ne plus E ; damis C 533 eûst A ; n'eûst DEFGHK ; ne vi BDEK ; n"\ truis G suivi de se ai eu si granz annuiz

534 celui ACF ; texte de EHK 538 plus que d. 545 voust 560 s'ele le s. ; texte de F 562, qu'ele set bien t. s. 563 ce ne dout je point AC ; texte de H 583 me disiez 587 de quoi A ; de qoi H > en quoy F ; le duc respont : dites pourquoy D ; et vous en croi K 599 en vous a. ; texte en particulier de AK et voir'v. 44$.

616 je ne vueil BCDE ; vous puis d. G (puis emprunté à G)

635 se li 639 H cofKtne C ; mais sachies que trop me doubt D ; que je sache, mes trop me dout G ; cuers en saice mot K 659-40 manquent dans ABEF 640 HK comme C ; que vous n'en deissies aucun m. D ; que vous n'en pariez aucun m. G. L 'indica- tif ot au V. 6^<) est surprenant. 647 le croit ; texte de H 668 se li 677 parolt E comme C, orthographe traditionnelle ; parost H, rime pour l'œil ; parot AK (parout F) représente la véritable pro- nonciation ; et d'autre part l's du mot tost au v. 6/8 est purement graphique : cf. les rimes sot : tost 601-02. Dans tost :vost 927-8 vost est une rime pour l'ail plutôt que la J" pers. régulière du prétérit vols, volsis, volst .• cf. la graphie vout au v. 6j4 et à la variante du v . 184. Voir aussi les rimes vit : fremist 689-90, point : doinst 819-20. 683 H comme C ; qui ap. ce fu la p. E ; et la p. BK ; que ap. f. toute la p. G; que ce fu la teste p. AF ;<\ua. prinssa part a la p. D

684 G comme C ; t. oa cort p. AEFHK ; t. feste p. D. On peut comprendre les vers 68^-4 : « à la première cour plénière que tint le duc », ou encore a àla première Pentecôte le duc tint cour plénière. »

693 se li.

34 LA CHASTELAINE DE VERGI

732 gaimente ; texte de ABEFGH 739 qui 743 qui 759 Se D. 762 Se D. 764 quant vous amours premiers faismez D.

805 Estre m. ; texte de ABDEGH 810 nostre amour D ; tout en i^tnAK 811-28 manquent dans K 815 je avant perdi 1. B

816 un tel anui (ou plutôt amy) D ; si grant a. F ; vivre après tel ennui G ; ne prisgueres nul tel ami B 817-8 manquent dansG

817 que sanz lui por qui je m. à. ACE ; quersans lui pour qui je m. d. D ; sans celui por coi j. m. d. H ; vivre sanz li pour qui me duel F (texte adopté) 818 Ne pus vivre ne je ne v. C ; Ne pub vivre AEH ; Ne quier vivre B ; Plus vivre ain.sy D ; Ne je ne quier F (texte adopte) 878 fors le c. ; pour le corroux H (texte adopte)

892 aviez.

903 de ce que les v. ; tous les autres m$s. ont ce qu'ele v. 917 de maintenant a la d. AG comme C ; tout maintenant DH 918 se li 924 donc 935 pucele 943-45 H serait facile de corriger la faute contre la déclinaison en écrivant Templiers, encombriers et mes- chiés et en mettant des formes appropriées de pronoms démonstratifs. Mais il reste dans le texte asse^ de manquements certains aux règles de la décli- naison pour qu'on puisse admettre ici aussi une faute, eu un néologisme, de ce genre : voir ip6 (cf. 206), 20ç, Jj<), ^"ji, S2y, 642, JSO, yjô, 888 (cf. jy8) ; conte du v. y 6 et seignor du v. 411 étaient depuis long- temps, semble- t-il, des formes reçues de cas-sujet.

GLOSSAIRE

acointe 44, yôS.ami et familier.

adés 284, sans cesse .

afetier 718, 736, 908, dresser (un

chien). aloingne ^6^, faux-fuyant. anglet 35, 653, petit coin. arvoire 595, illusion. ataïner 879, taquiner.

béer a mal 589, tendre à mal, avoir de mauvaises intentions.

BORGOINGNE 18,45.

ça en arrière 243, 608, jusqu'à pré- sent.

chienet 34, 380, 383,654, 718, 736, 908, petit chien.

choisir i<)^, apercevoir .

cointe 43, 703, 707, élégant.

cointise 251, élégance (du costume).

connoistre 504, avouer.

conseil 5, lo, 319, 626, 77r, 810, secret ; 268 cil ne set nul conseil de soi, il ne sait comment s'aider, se tirer- d'affaire.

conseillier 759, venir en aide à.

consirref (soi) 295, se passer de.

corage 692, sentit.^enls ; 802, cœur.

Couc[ (ii chastelains de) 292. Gi/J, poète célèbre du xii* siècle, châtelain de Coucy de 1 186 à 1201, mort à la quatrième croisade en 1203. La strophe citée se retrouve dans la Violette, éd. Michel, v. 4630, et, cette fois avec le reste de la pièce, dans /'Histoire du Châtelain de Coucy et de la dame de Fayel, éd. ' Crapelet, v. 7373.

dervé 910, hors de lui.

descou-vnr (soi) a ^, confier ses secrets à.

desette (sanz) 227, sans Vavoir mé- rité.

desroi 785, manquement grave.

devient (se) 81 , peut-être.

doie (a deus) subst. plur. 78, doigts deux) .

doute (sanz) ij 1 , très certainement .

encouvrir 345, couvrir qqn. par son

silence. endementiers 4^1, pendant (que). envoiseiire 44^,gaité. errant m, 170, 526, 941, très vite. eschif 184, banni. esconsser (soi) 388, se dissimuler. espuer 897. support; unique exemple

cité par Godejroy. esto-voir 1 6g, falloir. estraindre (soi) 835 de ses braz

s'estraint; il faut entendre que la

dame croise et serre ses bras sur sa

poitrine et se raidit. ez (vous) 910, voilà.

faire (soi) 120, au sens 3e dire : c'est le même emploi du réfléchi que dam si se pensse 287.

foimentie masc. 279, qui a manqué à la foi jurée.

garderobe 726, 857, 862, alcâve. geu... parti 269, lui a proposé une alternative si rigoureuse.

hidor 903, effroi.

3^

LA CHASTELAINE DE VERGI

ire 178, 226, 615, 6 )6, 939, chagrin

mêlé de colère. Cf. trie 107, 575. isiiel le pas 87, 315, 619, tout de suite.

maintenant 115, 154,240, 865,911,

917, sans plus attendre. mètre au desouz 571, triompher de. mètre seure 193, flccuîer. monter 75 que ce monte, 720 à qoi

ce monte, ou cela tend, où. l'on en

veut venir. fnusart loo, sot.

neïs 775,

nis 749, même.

oirre (grant) 915, en toute bâte. outre 870, à peu près : sans recours.

par droit que 148, avec cette consé-

quin'-.e légitime que. pers 864. blêmi {par la mort). primes 764 Ce mot est embarrassant,

et nous n'avons pas d'explication à

en ojffrir.

ramposner 880, railler brutalement. reconnoistre 314, 330, avouer, révé- ler.

regret (fere) ■j^'^, faire honte. reqoi 702, tranquillité. rover 856, demander.

se. . . bien 80, quoique. soffrir(soi) 560, patienter.

tan test 133, 384, 325,87], 914, fl«s- 51/0/ ; 478, 521, 690, même sens, mais en corrélation avec quant.

Templier 943 ; les mss. E et H ont remplacé Templier par Hospita- lier.

tens (par) 143, bientôt.

Tristan 760.

uisset 477, petite porte.

Vergi (la dame de) 20, vosire nièce de V. 542, chastelaine de V. 688, Ver^y, commune de Reullé-Vergy ^ canton de Gevrey {Côte-d'Or).

vers 294, strophe.

voire adj.fém., 247, vêridique.

YSEOT 760.

RSPROOUtT PA* I

, PnOCCOCS COPCL

^ 1 Ci VJ (^ ^'/ 22*. Le Couronneke;nt de Louis, chanson de geste du ^ "^ XII* siècle éd. revue par Ernest Langlois ; / _5 i /

xvii-169 pages

23. Chansons satiriques et bachiques du xiii« siècle, éd.

par A. Jeanroy et A. Langfors ; xiv-145 p.

24. Les Chansons de Conon de Béthune, éd. par Axel

Wallenskôld ; xxiii-39 pages

25*. La Chanson d'^spremont, 2* éd. revue par Louis Brandin, t. Il, vv. 6155-11376 ; 211 pages

26. PiRAMus ET TisBÉ, poème du xii« siècle, éd. par C. de

BoER ; xii-55 pages

27. Les Poésies de Cercamon, éd. par Alfred Jeanroy ;

ix-40 pages

28. Gerbert de Montreuil, La continuation db Perceval,

éd. par Mary Williams, t. I, w. 1-7020 ; v-215 pages.

29. Le Roman de Troie en prose, éd. par L. Constans et

E. Faral, t. I ; iv-170 pages

30. La Passion jv Palatinus, éd. par Grâce Frank ; xiv-

101 pages

31. Le Mariage des Sept Arts, par Jehan le Teinturier

d'Arras, suivi d'une version anonyme, éd. par Artur Langfors ; xiv-35 pages

32. Alain Chartier, Le Quadrilogue invectif, éd. par

E. Droz ; xi-74 pages

33. La Queste del Saint Graal, éd. par Albert Pauphilet;

xiv-303 pages

34. Charles d'Orléaiis, Poésies, éd. par Pierre Champion,

t. I ; xxxv-291 pages

35. Maistre Pierre Patkelin, éd. par Richard T. Hol-

BROOK ; x-132 pages

36. Adam le Bossu. Le Jeu de Robin et Marion suivi du

Jeu du Pèlerin, éd. par Ernest Langlois ; x-95 pages

37. Jean Renart, Galeran de Bretagne, éd. par Lucien

Foulet ; XLiii-290 pages

38. Ilenaut de Beaujeu, Le Bel Inconnu, éd. par G. Perrib

Williams ; xii-215 pages

39. Jongleurs et Troubadours Gascons des xii" et xiii»

siècles, éd. par Alfred Jeanroy ; viii-88 p.

40. Bobert de Clari, La Conquête de Constantinople, éd.

par Philippe Lauer ; xvi-132 pages

41*. AucASSiN ET Nicolette, 2* éd. revue par Mario Ro- ques ; xxxvii-107 pages

42. Les Chansons de Guilhem de Cabestanh, éd. par Ar-

tur Langfors ; xvni-97 pages

43. Lettres fjrançaises du xiii* siècle : Jean Sarrasin,

Lettre a Nicolas .A.rrodb (1249), éd. par Alfred L. Foulet ; xi-24 pages

44. Eneas, éd. par J.-J. SALVERbA de Grave, t. I, vv. 1-5998 ;

xxxvi-138 pages

45 La Chanson de sainte Foi d'Agen, éd. par Antoine

Thomas j xxxviii-88 pages

46. Les PoIésies de Jausbert de Puycibot, éd. par William

P. Shbpard ; xviii-94 pages

47. Proverbes FRANÇAIS antérieurs au xv* siècle, é

Joseph Morawski ; xxin-147 pages

48. Jean Bodel, Le Jeu de saint Nicolas, éd. par h

Jeanroy ; xvi-93 pages

49. Butebeuf, Le Miracle de Théophile, éd. par

Frank ; xiii-41 pages.

50. Gerbert de Montreuil, La Continuation de Peh éd. par Mary Williams, t. II, vv. 7021-14078 ;

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DATE DUE

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XII» s

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*■• \j\iMt.c\jaiua, J--liS ikuiS AVEUGLES DE UOMPXËGNE, éd

Georges Gougenheim ; xx-35 pages i .

73. La Musique au moyen âge, par Th. Gérold ; 443 pages

UNIVERSITY OF B.C. LIBRARY

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